• Mardi 29 mars 2011

    Nous quittons définitivement Puerto Natales aujourd'hui et rejoignons la frontière en réempruntant la route de Cerro Castillo.

    Au poste de Rio Don Guillermo, les formalités sont plus rapidement expédiées que lors de l'entrée dans le pays car aucune vérification sur la nourriture ou les graines en notre possession n'est effectuée.

    Nous reprenons la piste pour quelques kilomètres jusqu'à la douane argentine. Tous ces postes m'auront marqué par un point : l'omniprésence des avis de recherche pour disparition ou enlèvement. Un vrai commerce que l'obtention de rançons !

    De par son métier, F. sympathise avec le douanier et obtient en cadeau sa casquette officielle. Nous parviendrons même à lui faire accepter d'être pris en photo avec F. .

    Plus loin, nous rencontrons la mythique Ruta 40. Elle fait actuellement l'objet d'un développement touristique et est goudronnée sur certaines portions. Mais cette rencontre ne nous porte pas chance : le véhicule s'immobilise dans une côte suite à un problème électrique. 4 d'entre nous descendent et nous poussons le minibus pour qu'il redémarre. C'est un succès provisoire. Cependant, l'alimentation électrique est en bout de course et le véhicule menace à tout instant de s'arrêter plus longuement.

    Nous faisons un détour par La Esperanza pour éviter une piste peu carrossable. Dans ce bourg modeste, nous marquons une pause-déjeuner dans un restoroute. Les attractions locales ne semblent pas se bousculer ici.

    Les paysages du jour changent régulièrement au fil des kilomètres : steppe aride pour commencer, puis steppe plus arrosée et quelques accidents de terrain.

    Steppe aride Steppe humide Vallons

    Le principal point d'intérêt du parcours en ce début d'après-midi est la Cuesta de Miguez, pente de plusieurs kilomètres permettant d'apercevoir pour la première fois l'immense lago Argentino, le plus grand du pays. Il mesure 80km de long sur 20km de large et sa surface est de 1 500km².

    Après la traversée de la steppe caractérisée par une végétation rase, les arbres refont leur apparition à partir de cet endroit, la côte faisant office de garde-barrière entre les deux écosystèmes.

    De plus en plus fréquemment, le véhicule donne des signes de faiblesse. Lorena et le chauffeur appellent donc un autre minibus à la rescousse. Parti d'El Calafate, il nous rejoint une demi-heure plus tard. Nous transvasons les affaires d'un véhicule dans l'autre, laissons le chauffeur seul sans savoir s'il atteindra au final la ville et filons sur El Chalten.

    La route asphaltée suit un long moment les méandres du fleuve Santa Cruz qui nait dans le lac Argentino et va se jeter dans l'Atlantique à 300km de là. Lui succède une région pouvant rappeler certains coins de la Cappadoce ou certains reliefs à l'entrée du Mustang : les Bad Lands. Il s'agit probablement d'une ancienne moraine glaciaire compactée en un seul bloc multicolore et où les roches sont fracturées, brisées, pliées dans tous les sens. Leurs sommets sont arrondis bien sûr par la puissance de l'ancien glacier qui occupait les lieux autrefois mais également par le vent et les intempéries qui les érodent. Ils ouvriraient sur l'autre versant sur une zone particulièrement désolée que nous ne verrons pas.

    Fleuve Santa Cruz Route 23 Bad Lands Roche modelée par les glaciers

    Peu avant d'entrer dans un nouveau Parc National (Los Glaciares), nous laissons à notre gauche le lac Viedma et son glacier en courbe dont la langue descend sur 60km depuis la calotte.

    Glacier Viedma

    Nous terminons notre étape lorsque, blotti au creux de vallons, apparaît un modeste village de 1 000 habitants : El Chalten. Son nom signifie "montagne qui fume" car les indiens prenaient un sommet proche pour un volcan. Il est traversé par la petite rivière De las Vueltas. Bien que vivant grandement du tourisme vu le nombre d'hébergements, de magasins de souvenirs et les quelques boutiques de trekking, le bourg doit vivre toute l'année. On y trouve une école, des commerces de proximité et une église. Mais l'hiver doit y être très long car l'approvisionnement se fait par la route depuis El Calafate à 3h de là.

      Arrivée à El Chalten

    Nous allons passer la nuit dans des cabañas, chalets bien aménagés et agréables. Auparavant, nous avons un peu de temps libre pour déambuler dans les rues.

    Puis vient l'heure du diner ou plutôt d'un festival de médisances à m'en écoeurer de manger. La journée de demain est consacrée à une grande marche vers le Fitz Roy. Lorena organise donc le retour anticipé des trois personnes qui ne peuvent toujours pas nous suivre. Mais dès qu'elle s'éloigne de la table, quelques lâches l'habillent pour l'hiver. Pourquoi tant de haine ? Au pays des gauchos et des estancias, y aurait-il d'autres moutons que les animaux ? Des moutons de Panurge suivants dans ses lubies irraisonnées un leader d'opinion abject sans prendre aucun recul sur leurs rancoeurs. Je n'ai qu'une envie dans ce restaurant : fuir et me réfugier dans mon lit pour m'isoler de ce flot de bassesses. Mais je dois tenir et ne pas exploser pour ne pas rendre la situation ingérable pour Lorena. Combien de temps vais-je pouvoir le faire ? Et avoir une attitude envers certains membres du groupe si éloignée de mes vraies pensées ? Je pense en tout cas que ce blog en aura surpris plus d'un par sa virulence.

      


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  • Mercredi 30 mars 2011

    Au réveil ce matin, le temps est particulièrement maussade : la pluie tombe sans discontinuer, nous inaugurons une piscine dans la cabaña et la visibilité est malheureusement réduite. Les 4 personnes avec qui je partage le logement ne sont pas très motivées à l'idée de sortir malgré quelques accalmies.

    Lorena nous rejoint pour faire le point et décider du programme de la journée. Je manifeste ma volonté de sortir quoi qu'il en coûte, fidèle à ma conviction qu'étant si loin il faut en profiter. 5 personnes finissent par rejoindre mon opinion. Pourquoi alors s'énerver en début de voyage pour une entorse au programme (en fait un report) et ensuite souhaiter des ajustements ou suppressions quand le temps n'est pas optimal ? Le Programme est-il dans le marbre ou seulement certains de ses articles pour pouvoir attaquer gratuitement la guide ?

    Nous convenons de partir marcher quelques heures sur les hauteurs et de tous prendre le bus de 13h au lieu de celui de 18h.

    Le Parc National de Los Glaciares a été fondé en 1937. Il s'étend sur 700 000 hectares contre 600 000 d'estancias. De très nombreuses randonnées sont envisageables en son sein. Sa faune compte des pumas et des condors autour du Fitz Roy, des guanacos et des ñandus un peu plus loin. Quant à la flore, les calafates et les nothofagus que nous trouvons depuis le début du voyage sont omniprésents, lengas et ñirres en tête pour les arbres à feuilles caduques, guindos pour ceux à feuilles persistantes.

    Nous avalons une première butte pour nous soustraire à la vision de la ville. Sur l'autre versant, nous découvrons rapidement le fleuve Fitz Roy qui nait du lac Torre. A travers les bois, nous aboutissons à un balcon d'où nous voyons la cascade Margarita, baptisée en mémoire d'une femme ayant disparu par ici.

    Fleuve Fitz Roy Cascade Margarita

    Les troncs présentent parfois des formes inhabituelles prouvant que la nature sait vraiment s'adapter à toutes les situations.

    Tronc plié

    La montée en terre, très bien balisée, dure un peu plus d'une heure jusqu'au Mirador Cerro Torre. Le temps commence alors à se gâter et la neige à réduire la visibilité. Je suis déçu car je ne verrai pas le Fitz Roy dont je n'ai aucune idée de la silhouette. Son nom est un hommage au capitaine du Beagle bien que le massif ait été découvert par Viedma.

    Au pied du Mirador Cerro Torre Au pied du Mirador Cerro Torre

    Le temps s'améliore à peine avec la redescente. Il n'empêche par contre pas de se rendre compte du caractère plus arboré de ce Parc par rapport à celui du Paine. Et la steppe est bien moins présente ici.

    Je suis personnellement émerveillé comme à chaque fois par la beauté des teintes automnales que revêtent certains arbres. C'est un peu le bouquet final avant que la nature ne se mette en hibernation, une ultime explosion de couleurs en guise d'adieu en attendant la renaissance d'ici quelques mois au printemps. Une beauté simple mais qui me procure du bonheur et du plaisir en la contemplant.

    Couleurs automnales De l'automne à l'hiver Couleurs automnales

    Nous retrouvons vite le village. Disposant d'un peu de temps libre, j'en profite pour aller acheter une carte postale du Fitz Roy et aller voir la petite église en bois qui est fermée. Je remonte ensuite vers les cabañas car le bus de ligne va venir nous prendre juste devant. Nous remercions le guide local et notre hébergeuse (marqué par l'ambiance de ces derniers jours, j'ai oublié à regret le prénom de la plupart des personnes rencontrées sur le chemin depuis la fameuse révolte).

    El Chalten Eglise d'El Chalten

    La course El Chalten-El Calafate va durer 3h (elle coûte 30€ si vous cherchez des renseignements). Le bus emprunte le même trajet qu'à l'aller : lac Viedma, Bad Lands, Rio Santa Cruz, lac Argentino. Il est très majoritairement rempli de touristes individuels. Nous marquons par contre une halte à mi-chemin à la parada La Leona, une auberge au bord de la route pour ravitailler les passagers qui le souhaitent.

    Lago Viedma Parada La Leona Rio La Leona 

    Bad Lands Lago Argentino

    La fin du parcours n'est que contournement du lac Argentino. Après un péage, nous entrons à El Calafate, 20 000 habitants. A mes yeux, cette ville créée en 1927 paraît des plus banales. La vie s'articule autour d'un seul axe regroupant agences de voyages, magasins de souvenirs, restaurants et hôtels. Le reste n'est que quartiers d'habitations moins colorés qu'ailleurs.

    Pour m'être baladé plus d'une heure en périphérie, je n'ai rien trouvé de remarquable hormis ces fresques sur un mur et une église. Je n'ai pas réussi par contre à rejoindre le lago Argentino.

    El Calafate - Fresque El Calafate - Fresque El Calafate - Eglise Santa Teresita del Niño Jesus

    Ma fin de journée présente un manque d'intérêt encore plus abyssal avec du shopping pour trouver quelque chose à ramener chez moi. A part une calebasse à mate et une bombilla, je ferai chou-blanc. Pour la calebasse, plus son col est étroit, plus le fruit est jeune. Puis le moment le plus redouté : l'anniversaire de F. avec deux de mes nouvelles meilleures amies. C'est une version diner de cons où vous pouvez en amener plusieurs mais en aucun cas une personne qui a des choses intéressantes à raconter comme Lorena. Effrayant ! J'aurais d'ailleurs plutôt souhaité partager ce dernier repas "officiel" avec elle mais comme il y aurait eu une boucherie ... Je suis donc un peu amer ce soir.


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  • Jeudi 31 mars 2011

    La journée se divise en deux aujourd'hui : le Perito Moreno ce matin, puis vol pour Buenos Aires cette après-midi.

    Pour éviter l'affluence sur ce site que l'on m'a qualifié en France de "Disneyland" argentin, nous partons de bonne heure pour y être à l'ouverture. Plus tard, vous avez le droit de devenir figurant d'un remake de la Marche de l'Empereur, en étant orienté par une marée humaine.

    La luminosité est irréelle ce matin et donne des photos étranges ...

    Lever de soleil Lever de soleil sur des reliefs enneigés

    Nous retrouvons le Parc National Los Glaciares mais partie sud (le Fitz Roy est dans la partie nord). Sa vocation est double : protéger la nature bien sûr mais également marquer les frontières. Depuis les années 70, il est devenu très touristique en été, bien moins en hiver. Un projet espagnol de pistes de ski existerait ? La flore est celle décrite hier, la faune abrite lièvres, renards, caracaras, aigles, condors ...

    En entrant dans le Parc, nous n'avons pas le droit de descendre pour des raisons de sécurité et de brièveté de la halte. Mais la consigne venant de Lorena, de pitoyables rebelles s'en donnent à coeur joie de sortir.

    La route longe ensuite le Brazo Rico, lac glaciaire né il y a 20 000 ans au maximum de la dernière glaciation. Son eau trop froide et les sédiments en suspension filtrant la lumière ne permettent pas à la vie de s'y développer.

    Quelques lacets plus loin, le minibus s'arrête sur un parking aménagé. Des passerelles en bois permettent ensuite de déambuler longuement en face du glacier. Il y a au total deux fronts : la partie sud de 2,5km de large et 60m de haut, celle en face de laquelle nous allons circuler, et la partie nord qui est tout aussi longue.

    Perito Moreno - Front sud Perito Moreno Perito Moreno

    La partie sud couvre une surface de 260km² et sa langue s'étale sur 30km de long depuis la calotte à 1200m d'altitude jusqu'au front. Sur le sommet de la calotte, il neige toute l'année et celle-ci se compacte alimentant le glacier. Sa profondeur maximale atteint les 100m. Aujourd'hui c'est le seul glacier stable ou en progression dans la mesure où il reçoit plus de glace qu'il n'en perd. Il lui arrive également d'atteindre la Péninsule de Magellan où se trouvent les touristes. Le Brazo Rico est alors fermé et son niveau monte de 6 à 10m. La pression exercée sur le barrage devient telle à force qu'il finit par céder. Jusqu'en 1988, ce phénomène se produisait tous les 4 ans. Puis ce fut le statu quo jusqu'en 2004 avant une reprise de moindre ampleur tous les 3 ans. Lors de notre passage, le goulet entre le glacier et la péninsule est ouvert.

    Le nom du glacier correspond à celui d'un scientifique et explorateur argentin de la fin du XIXème siècle qui a remonté le Santa Cruz et découvert le lago Argentino.

    Quant à la couleur du glacier, elle dépend partiellement de la quantité d'air emprisonnée dans la glace.

    Front du glacier Front du glacier

    Sur le parcours que j'effectue avec M., mon sympathique "coloc" (là je suis vraiment sincère), nous avons d'abord un aperçu du canal de los Témpanos qui ressemble à s'y méprendre aux fjords norvégiens.

    Canal de los Témpanos

    Nous croisons ensuite le zorzal patagonico, sorte de merle; puis un peu plus loin, un lièvre.

    Zorzal patagonico

    Puis, nous nous approchons du glacier pour mettre des images sur les grondements et les craquements tonitruants qui nous parviennent de temps à autre. La glace travaille et parfois cède d'un coup, roulant au pied du glacier dans un vacarme impressionnant puis soulevant des gerbes d'eau colossales. Plusieurs visiteurs en ont fait les frais et payés leur insouciance de leur vie, nous annoncent des panneaux. Petit rappel que malgré sa fictive toute puissance, l'homme ne parviendra jamais à asservir une nature pourtant si généreuse avec lui.

    Perito Moreno 

    Perito Moreno Perito Moreno - Chute de glace Perito Moreno - Chute de glace

    Alors que les icebergs se détachant du glacier Upsala plus au nord voguent jusqu'à El Calafate, ceux du Perito Moreno semblent plus casaniers et restent sur place.

    La neige commence ensuite à tomber et la visibilité se réduit nettement dans le voile cotonneux. Je reste seul membre du groupe à parcourir les plateformes, engrangeant mes dernières images de Patagonie avant le retour à une réalité plus déplaisante : Buenos Aires.

    Perito Moreno sous la neige Perito Moreno sous la neige

    Nous avons eu de la chance ce matin en profitant du site avant le flot humain.

    Le froid mordant finit par l'emporter et me contraint à me replier dans l'infrastructure touristique pour y retrouver le groupe, 30 minutes avant le départ initialement prévu. Alors que nous nous apprêtons à repartir étant tous réunis, notre Lumière, qui n'a pas encore dévoilé l'étendue de ses talents, décide brillamment d'aller se planquer un moment pour contrarier Lorena. Bravo résistante ! Ton acte d'un courage inouï, ce geste révolutionnaire défiant l'autorité en place entrera dans la légende par sa désespérante futilité. A part te rabaisser davantage, ton coup de tête n'a absolument rien changé au Programme et n'a embêté personne si telle était ta mission de sabotage ou de rébellion. Et dire que fière comme Artaban, tu ne t'en es sûrement même pas rendu compte ! Ou alors était-ce un entraînement pour ton plus haut fait à venir d'ici quelques lignes ?

    A l'heure exactement prévue, nous reprenons la route sur 70km pour récupérer les bagages à El Calafate. Une fois cela fait, nous filons sur l'aéroport privé où un vol nous attend en milieu d'après-midi pour Buenos Aires. Etant devant avec Lorena et Fernando notre chauffeur, j'en profite pour récupérer ses coordonnées pour garder le contact et la remercier plus personnellement une fois rentré. Je récupère également les coordonnées de l'agence locale pour remettre les événements dans leur contexte depuis la France. Club Aventure et Sophie ont ainsi eu tous les éléments pour mieux comprendre certains craquages ou remarques désobligeantes. Enfin, Lorena et Fernando me renseignent sur ma journée de demain où je souhaite aller à Tigre.

    L'aéroport étant privé, nous nous acquittons d'une taxe de 38 pesos.

    Peu d'entre nous ont pu obtenir un hublot, le vol étant plein. C'est à présent que nous nous séparons -en bonne intelligence pour la plupart- de Lorena, le vol étant non accompagné. Mais peut-être que je devrais dire spectacle plutôt que vol ?

      

    Acte 1 : Y a-t-il un français parlant espagnol dans l'avion ?

    Nous sommes tous séparés et je suis pour ma part au fond du cirque. Pardon, je voulais dire "appareil". Je suis assis à côté de français voyageant avec la FRAM, au dernier rang, sans hublot et à côté des réacteurs. Ca m'est égal même si je ne verrai pas le paysage car je dois mettre en ordre mes notes pour ce blog.

    Tout d'un coup, surgit de nulle part, une hôtesse me demandant si je suis "le français qui parle espagnol". Peut-être pas le seul mais cette définition me semble appropriée après 15 jours de pratique. Ayant acquiescé, je suis prié de la suivre pour l'assister dans la gestion d'un conflit. Je me retrouve alors en face de deux connaissances à expliquer que selon les règles internationales de l'aviation, les personnes assises devant les issues de secours doivent pouvoir porter assistance aux autres passagers en cas d'évacuation. Il faut donc parler espagnol ou anglais à minima pour cela ou libérer la place et la céder à 2 argentins un peu hystériques. Mais imaginez ce que peut représenter un hublot pour vous. Les sentiments sont parfois si forts et intimes, les liens tissés depuis 3 minutes si inaltérables que la séparation ne serait-ce que 3h est un déchirement intérieur, un drame bouleversant, une douleur qui vous consume, un océan de tristesse, une montagne de désespoir ... Ne l'avez-vous jamais ressenti ainsi ? Ne vous inquiétez pas, moi non plus. Surtout pour un hublot. Argument ultime mais efficace : l'avion attend que le couple accepte de se déplacer pour quitter le parking. En grommelant, le couple se lève. Les hôtesses me remercient. Il ne manque finalement que l'air "we are the champions". Fin de l'acte 1. Je retourne à l'arrière où mon pauvre hublot aveugle est resté seul 10 minutes. Mais je suis de retour maintenant, ne t'en fais plus on ne nous séparera plus à l'avenir.

      

    Acte 2 : Où La Lumière entre en scène et où se prépare l'acte 3

    Imaginez une fois de plus ce que l'on peut ressentir lorsqu'on est La Lumière et que l'on se fait voler la vedette par le sang de son sang, 2 membres de votre propre groupe. Vous ne pouvez pas les châtier car ils vous sont trop chers. Alors, vous inventez un superbe numéro qui va laisser l'auditoire ahuri. J'étais déjà "abasourdi" par son talent il y a quelques jours mais je peux dire que, même si les mots me manquent pour exprimer ce que j'ai ressenti ensuite, c'était un état de consternation bien supérieur.

    Explication : tout rentre dans l'ordre et je bichonne mon hublot tranquillement. Pendant ce temps-là, à l'avant, 3 rangs classe économique sont totalement libres. La Lumière profite donc de l'occasion pour passer du couloir à un hublot. Belle stratégie que n'importe qui aurait pu adopter j'en conviens. Toutefois, le personnel de bord lui fait comprendre à plusieurs reprises qu'elle doit libérer ces places qui vont être occupées une fois en vol. Le ton monte côté européen, face à la remise en cause d'un privilège qui devrait naturellement être accordé à La Lumière. Le personnel finit donc par perdre patience (je n'apprendrai ces événements que quelques minutes plus tard lors du résumé de l'épisode précédent).

    Dans le même temps, l'équipage de fond de cabine vient voir les 3 derniers rangs dont moi. Les conditions de voyage n'étant pas optimales à l'arrière (pas de visibilité et bruit accru) et de la place étant disponible à l'avant, nous sommes invités à remonter en tête d'appareil dans les fameuses rangées libres.

    J'approche le fief de La Lumière et perçois de la tension mais ne comprends pas encore pourquoi. L'éruption est toute proche.

      

    Acte 3 : La Lumière contre-attaque 

    Imaginez (une dernière fois c'est promis) que des gueux aient l'outrecuidance de venir remettre en cause vos acquis et votre domaine, un peu la posture du noble avant les révolutions franco-belges de 1789. La Lumière bouillonne et doit réagir. Ne m'y attendant pas, je rate probablement le clou de ce second numéro. Quelle déception !

    Je suis à nouveau surpris par la chef de cabine qui vient me chercher. Elle me fait entrer dans la cabine du personnel après avoir vérifié que je connaissais La Lumière. Elle m'explique alors que l'équipage ayant perdu patience face à son agressivité durable, je dois la ramener au calme sans quoi elle sera inscrite sur la liste noire des passagers interdits de vol sur la compagnie, celle-là même qui nous ramène en France demain. Est-ce que je rêve ? Est-ce une caméra cachée ? Hélas non ! L'argument massue est par contre imparable et La Lumière finit par céder en grommelant. Une seule question pour ma part : qui est blâmable, Lorena ou des membres du groupe ?

    Nouveaux remerciements, je suis désormais un VIP pour l'équipage.

    Si vous aussi vous souhaitez vivre des moments exceptionnels, contactez La Lumière qui assure actuellement des représentations au Grand-Duché.

    Le spectacle terminé, nous atterrissons déjà et je quitte l'équipage en partageant un sourire de connivence et des excuses. Puis je repasse en mode diplomatique.

    Eugénie -la guide du 1er jour- nous récupère pour nous déposer à l'hôtel mais elle parle trop de politique intérieure à mon goût.

    L'heure étant avancée, la fin de journée est sans intérêt.

      


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  • Vendredi 1 avril 2011

    Pour cette dernière journée, nous avons convenu la veille au soir d'en disposer chacun à sa guise. Je souhaite de mon côté mettre à profit le temps restant pour connaître un peu mieux la capitale et surtout aller voir Tigre, une ville des environs que j'avais repérée avant de partir pour occuper mes dernières heures sur place.

    Je commence la journée en me trompant d'heure : trouvant étonnant que M. ne soit pas réveillé même après ma toilette, je descends déjeuner seul. A la fin de mon petit-déjeuner, je suis rejoint par F. qui m'apprend qu'il est une heure de moins que ce que je crois. Je pars donc assez tôt via les grandes artères jusqu'au Palais du Congrès, un édifice impressionnant rappelant l'architecture dans d'autres pays.

    Palais du Congrès

    Je rejoins l'obélisque de la Place de la République puisque le premier jour il était en partie masqué par les préparatifs d'un concert de Placido Domingo. Il s'élève à 67,5m et marque le 400ème anniversaire de la création de la ville.

    Obélisque

    Je termine à Puerto Madero, étrange contraste entre l'ancien et le nouveau, l'industrie portuaire et les tours de bureaux en verre, les cordages des frégates et les câbles d'acier du Pont de la Femme.

    Puerto Madero - Tour en verre Puerto Madero - Moderne et ancien Puerto Madero - Dock Puerto Madero - Grue Puerto Madero - Pont de la Femme Puerto Madero - Corvette Uruguay Puerto Madero - Frégate Presidente Sarmiento

    Je gagne enfin Retiro, la gare ferroviaire qui va me permettre de rejoindre la banlieue. Pour 2,5 pesos aller-retour, je vais pouvoir découvrir Tigre et son delta. Il me faut une heure de voyage pour l'atteindre. A bord du train qui traverse des banlieues pauvres, des vendeurs proposent tout un tas de produits à la criée : journaux, bonbons, collants, lecteurs MP3 ...

    Tigre est une ville bâtie sur l'eau et accessible majoritairement en bateau. Mon timing étant serré, j'opte pour la croisière d'une heure. Elle passe devant le marché aux fruits puis s'engouffre dans le Rio Sarmiento jusqu'à la maison sous verre de cet ancien Président présent sur les billets de 2 pesos. L'ensemble comprend la maison, une place encadrée de statues et une bibliothèque.

    Tigre - Bateau amarré Tigre - Marché aux fruits Tigre - Maison du Président Sarmiento Tigre - Place de la maison du Président Sarmiento

    Les passagers sont cosmopolites et j'échange un moment avec des Brésiliens. Sur les canaux, tout un tas de pontons permettent d'accéder aux habitations. Cette navigation me rappelle à certains endroits les déplacements en long-tail en Thaïlande.

    Tigre - Pontons sur le Rio Sarmiento Tigre - Rio Sarmiento Tigre - Habitation sur le Rio Sarmiento

    Circulent également des kayaks, des navires poubelles ou de ravitaillement en nourriture.

    Tigre - Kayak sur le Rio Sarmiento Tigre - Collecte des déchets Tigre - Barge de ravitaillement

    De retour à Buenos Aires, je retourne une dernière fois sur Puerto Madero terminer la visite puis prend le chemin des écoliers pour rentrer à l'hôtel.

    Tigre - Rince-bouteille

    A 17h, nous quittons l'hôtel pour l'aéroport. Fin à priori du voyage. A priori seulement car je vais pouvoir prolonger un peu mon séjour dans l'avion où j'occupe encore une fois le dernier rang. Décidément ... Bien que le service soit meilleur qu'à l'aller, les quelques écrans ne fonctionnent pas. Je fais donc connaissance de ma voisine, Camilia, une argentine de Parana née exactement le même jour que moi à quelques heures près. Le hasard est parfois impressionnant ! Nous échangeons un bon moment sur son pays, les sites à voir, les gens puis sur le voyage qu'elle entame, une première en dehors de l'Amérique du Sud. Et quelle première : Madrid > Valladolid > Porto > Barcelone > Bruxelles > Bruges > Amsterdam > Stockholm > Rome et enfin Paris. Nous convenons également de retrouvailles d'ici trois semaines lors de son passage dans la capitale pour un récit de son beau parcours. Et cette fois le retour passe plus rapidement que lorsque je rentre seul. Le retour du Kirghizistan avait été beaucoup trop terrible.

      


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  • Si je tire le bilan de ce voyage, je dois reconnaître qu'il s'inscrit en partie dans la lignée des précédents mais en diffère grandement sur d'autres aspects.

    Du côté positif de la balance, le plus important, je retiendrai une constante qui me pousse à voyager : cette soif insatiable de découverte de l'ailleurs et de l'autre dans son milieu. Même si la première partie du voyage (Terre de Feu) a été décevante du point de vue de l'environnement, je suis ravi de l'avoir parcourue en bus plutôt qu'en avion. J'ai ainsi pu en imprégner pleinement mon esprit. Mon seul tort comme je l'ai déjà souligné est de l'avoir idéalisée. Que cela me serve de leçon à l'avenir ! Quant à la suite du voyage, je n'ai rien à redire : dans les Parcs et devant les glaciers, j'étais vraiment dans mon élément, au contact de cette nature qui me manque tant le reste de l'année et dont je ne cesse d'apprécier la majesté. Et quelle balade à cheval : j'en rêvais, la Patagonie m'a comblé !

    Du côté des rencontres avec les locaux, tout ou presque a été au-delà de mes espérances. Je garderai bien sûr le contact avec Lorena comme avec la plupart de mes guides-amis précédents en attendant de les revoir un jour ici, là-bas ou ailleurs, qu'importe. Mais l'élément le plus marquant, c'est ce nouvel élan, cette nouvelle dimension prise par la rencontre de l'autre : en s'affranchissant du problème de la langue, j'ai réussi à abolir les barrières avec la population, obstacle qui m'avait dépité jusqu'à présent. Tenter d'apprendre quelques mots dans la langue locale ou d'utiliser les émotions pour communiquer ouvre des portes mais rien de comparable au cas présent : la profondeur de l'échange n'en est que renforcée et l'immersion plus totale. Les meilleurs exemples sont Nicolas, Daniel, Raul, Jose ou encore Camilia que je viens de revoir.

      

    Malheureusement mes souvenirs sont légèrement ternis par La Lumière et mon détachement inhabituel par rapport au groupe. Dommage car les derniers voyages m'ont apporté de nouvelles et importantes amitiés. Je pense en particulier à L. et G. avec qui j'ai pu partager d'excellents moments depuis mon retour et avec qui je prends toujours un immense plaisir à échanger en toute circonstance. Un grand merci à vous deux pour votre confiance et votre amitié, deux des plus beaux souvenirs que l'on puisse ramener de voyage en dehors de mon vécu et des images. Et vous savez que j'apprécierais vraiment de repartir avec vous sur les chemins du monde.

    Pour être juste, je tiens également à remercier 3 personnes de mon groupe de Patagonie : merci Michaël, partager la chambre avec toi fut fort agréable et merci également à A. et G.. Vus les événements préalables à votre voyage, je peux comprendre votre désarroi et votre égarement à quelques reprises. Et je suis vraiment touché par les photos que vous avez été les seuls à m'envoyer conformément à votre parole et à vos valeurs. J'espère sincèrement que l'avenir vous sourira un peu plus que le présent.

    Je souhaite enfin terminer cette liste en remerciant chacune des personnes qui a lu tout ou partie de ce blog et présenter mes excuses pour m'être exprimé avec tant de causticité. Je n'ai fait cependant qu'écrire avec mon coeur et retranscrire fidèlement mes notes rédigées sur place, du moins en ce qui concerne mon ressenti.

    N'étant pas très doué pour les adieux, je préfère laisser à nouveau la parole à Nicolas Bouvier qui a su trouver des mots justes dans lesquels je me retrouve :

    "C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l'envie de tout planter là. [...] Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon.

    Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait."

    Nicolas Bouvier, L'usage du monde

      


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